De la Pensée projet à la Pensée produit). C'est un peu la différence entre Super Mario (au bout de 9 mondes, on gagne) versus Tetris (un environnement toujours changeant, le but étant de jouer le plus longtemps possible).
Quels sont les éléments d’une bonne stratégie produit, me demanderez-vous ? Voici quelques éléments de réponses, qui comment tous par « C » pour vous faciliter le travail. Ne me remerciez pas, c’est gratuit !
Ce que l’on vise doit être clair et limpide. Un Product Manager utilise donc force analogies pour simplifier la façon de voir le business en formation ou en évolution.
L’un des outils que je privilégie est le « Commander’s Intent » (même si je ne suis pas fan des analogies guerrières, voici un article de la Harvard Business Review). Il s’agit d'une description de ce qu’est le succès d’une mission, afin que toute personne puisse prendre une décision tactique en toute autonomie grâce à une simple question : est-ce que cela correspond à l’Intent ?
Ce « Commander’s Intent » peut être utilisé pour des priorités long-terme : il se confond alors avec le duo vision / mission. Exemple (tiré du livre Made to Stick des frères Heath) : si "Southwest AirLines est LA compagnie low-cost", ça signifie que toute action doit contribuer à cet Intent… même si ça peut aller à l'encontre des desiderata des passagers (s'ils veulent des cacahuètes enrobées de chocolat, par exemple).
Il peut aussi être utilisé pour des périodes plus courtes, par exemple en se concentrant sur l’amélioration d’une métrique en particulier. Exemple : "Booster la viralité" (si possible avec un objectif chiffré !) veut dire qu'on n'investira pas un kopeck dans l'attraction ou la rétention pendant XX sprints. Ca revient un peu à un objectif de sprint ou de release. Je vous renvoie sur ce sujet à l’One Metric That Matters développée par A. Croll dans Lean Analytics.
L’une des grandes difficultés du métier de Product Manager est de s’assurer que l’ensemble des acteurs joue à l’unisson, alors que chacun a sa spécialité… Et ce, alors que la partition est écrite en direct et évolue en réponse au marché. Cette cohérence doit se retrouver dans l’offre Produit globale autant que dans son exécution.
Ce travail d’équilibriste est ardu : chaque spécialité a tendance à tirer dans son sens et le Product Manager doit, encore une fois, savoir dire non. Les différents Canvas (Business Model, Lean, Value Proposition, Branding…) peuvent aider à assurer et expliquer la cohérence, à condition d’être bien utilisés (à ce propos, je vous renvoie à cet article de votre serviteur sur le Lean Canvas).
Clarté et cohérence permettent aux équipes d’avoir confiance dans la stratégie produit, à condition qu’on leur fasse confiance pour l’exécuter. Un Product Manager n’est pas là pour contrôler, mais pour guider les différentes équipes et s'assurer qu'elles se font mutuellement confiance. Si vous pensez que c'est impossible, je vous invite à vous intéresser au Management 3.0.
Les utilisateurs, eux aussi, doivent avoir confiance dans la capacité de l’entreprise à délivrer ce qu’elle promet. C’est pour cela que la stratégie d’un bon Product Manager doit assurer la cohérence entre promesse (message) et expérience (réalité perçue).
Il n’hésitera donc pas à prôner une approche « full Lean » en systématisant une logique globale d’expérimentation et de "fine-tuning", tant sur le produit que sur la marque (Lean Startup + Growth Hacking + Lean Branding). Seuls les faits peuvent assurer la confiance de toutes ces parties prenantes. Un Product Manager est donc forcément un obsédé de la métrique et, fort heureusement, il n'y a pas de traitement contre ça !
La confiance ne va pas sans conversation. Encore une fois, un Product Manager est là pour guider et arbitrer, pas pour décider de façon unilatérale.
En interne, la conversation avec le terrain (via les tests et les métriques) et les personnes à son contact est primordiale. Particulièrement, un bon Product Manager travaille en étroite collaboration avec les Products Owners et les UXs afin d’adapter la stratégie produit globale. Deux petit tips personnels :
En externe, c’est la marque qui prime, c’est à dire la relation bilatérale qui est entretenue entre l’entreprise et les utilisateurs. Il n'y a rien de pire qu'une entreprise qui pense que la marque se résume à ses artefacts (logos, baseline…) et, pire, qu'elle lui appartient. C'est comme de penser que la relation que vous entretenez avec vos amis vous appartient !
Vous ne forcerez pas quelqu'un à vous aimer en lui faisant de fausses promesses, ou en venant titiller des sentiments qui n'ont rien à voir avec ceux que vous adressez avec le Produit. Pour une démonstration du dernier point, je vous renvoie par exemple à certaines publicités récentes, comme celles d'un acteur de la distribution se faisait fer de lance de l'optimisme ou celle d'une marque parlant de défendre les préjugés machistes pour vendre des serviettes hygiéniques.
Pour plus d’éléments, voir par exemple le livre The Lean Brand de J. Gardner, et certainement un futur article sur ce blog.
Enfin, l’efficacité de la stratégie Produit ne peut aller sans un minimum d’évangélisation de l’entreprise à la culture Produit. Cette culture va des principes de l’agilité à la vision du Produit comme d’une expérience globale (non limitée à la fonctionnalité ni au produit logiciel lui-même), de l’obsession du test et de la mesure à la considération d’un Produit en constante évolution vs un Projet borné dans le temps.
Heureusement, le Product Manager n’est pas seul à porter cette culture. Cependant, l'influence de son poste lui donne le devoir de servir cet objectif. Je reviendrai dans un futur article sur le rôle du Produit dans l'évolution de la Culture, c'est promis.
(Cette liste n’est pas exhaustive, et j’avais pensé à plein d'autres Cs : Cohésion, Considération, Co-construction, Cowabunga…).
C’est bien tout ça. Mais à quoi ça sert que le Product Manager, il se décarcasse sur tous les fronts ? Pour maximiser l'impact du Produit, bien sûr ! Et cet impact cumule valeur fonctionnelle et valeur émotionnelle, liant donc produit, marque et culture.
C'est cette vision de l'impact que le Produit pourrait avoir, ainsi que sa capacité à l’incarner, qui fait du Product Manager un inspirateur. En anglais, on pourrait dire qu'il fait du « business design with a purpose » (dédicace spéciale à Renaud Castaing). Il est l'un des acteurs principaux de la "value-creation economy" qui s'oppose à la "wealth-creation economy". Sur ce sujet, voici l'article de Robert B. Woodruff (payant) ou, plus récent, celui de Michael Porter et Mark Kramer.
Au final, inspirateur, oui, mais pourquoi "sans sac" ? Parce qu’un Product Manager n’accumule pas : il pousse les équipes à évacuer ce qui ne fonctionne pas et avance sur ce qui fonctionne pour ne pas perdre en puissance.
P.S. : Pour ceux qui veulent devenir Product Manager, je vous conseille de commencer par lire How to Create Products Customers Love de Marty Cagan et par mettre en favoris les sites SVPG et Mindtheproduct.
P.P.S. : Sachez que Marty Cagan, Alistair Croll et bien d'autres seront à Paris pour l'USI les 6 et 7 Juin 2016 !
P.P.P.S. : Super bonus, suite à l'USI, Alistair Croll fera un workshop Lean Analytics chez Octo Academy les 8 et 9 Juin !