Delegation Poker, ancien mais toujours imbattable sur ce terrain. Déclenchez-le vous-même avec votre manager, apportez l’éventail des décisions/initiatives à questionner et demandez à votre manager de préparer les siennes. Vous allez découvrir les initiatives qu’il souhaite vous voir prendre, vous discuterez des responsabilités que cela implique, et choisirez ensemble le cadre de sécurité pour les assumer. Votre manager va découvrir les initiatives que vous souhaitez pouvoir prendre, vous discuterez de son niveau d’implication, des risques qu’il prend à vous laisser faire, et des dispositions qu’il doit prendre pour adapter ses propres prérogatives.
Pour une équipe autonome il n’y a plus de “On ne peut pas…”, il y a seulement des “Ce n’est pas dans notre Mission” et des “Ca c’est avec notre manager que ça se décide”.
Dans une organisation agile, tout le monde se tient pour dit que le Command&Control est une posture révolue, destructrice de motivation et de responsabilité. Dans toutes les pauses café, il est de bon ton de honnir cette pratique poussiéreuse et de plaindre les concernés.
Seulement, sur le terrain ce n’est pas si simple. Subir du Command&Control est à la fois confortable et inconfortable. Faire ce qu’on nous dit, c’est avilissant, mais c’est sécurisant. Cela n'engage pas notre responsabilité, ne sollicite pas notre engagement ou notre créativité. Cela ne rapporte ni satisfaction ni épanouissement, mais cela a l’avantage de ne comporter aucun risque, ni échec ni reproche, puisque nous ne faisons qu’exécuter l’idée, l'engagement de quelqu’un d’autre. Le management Command&Control, on le déteste mais on l’adore. C’est un dilemme silencieux, le détachement et l’insouciance aujourd’hui contre l’engagement et l'épanouissement demain.
Le problème de votre manager, c’est que vous, équipe, ne prenez pas parti. L’attitude communément observée est de le laisser faire ses trucs de manager et d’observer s’il parvient à créer de l'engagement.
Au final, en jouant la carte de l'engagement et de la responsabilisation, votre manager se retrouve le plus souvent à vous infliger votre propre épanouissement.
Prenez parti, chers managés. Choisissez votre camp. Décrétez consciemment la fin de l’insouciance. Reconnaissez l’intention de votre manager et participez-y. L’utilisateur c’est vous. C’est à vous d’exprimer vos besoins de responsabilisation, d’engagement, de compréhension et de sens. C’est à vous de guider ses efforts, de réagir au Command&Control, de le rappeler à l’ordre quant il se rate, de questionner tous les Quoi, pour en faire des Pour Quoi, de chercher la maîtrise, revendiquer l’autonomie.
Facile à dire ?
Explicitez cette volonté . Nous souhaitons un management responsabilisant, sans Command&Control. Créez le cadre de réflexion collective et trouvez ensemble des leviers d’actions et les comportements souhaités. Un exemple pour démarrer : Vous pouvez enrichir votre Charte d’équipe avec quelques conventions co-construites avec votre manager. Du genre “__Nous sommes une équipe qui contribue activement à son cadre managérial. Nous avons un manager à l’écoute et difficile à vexer(#AccordsToltèques). Nous n’exécutons pas des instructions, nous construisons des succès.”
Et bien sûr, débriefez ces conventions en Rétrospective, observez la fréquence de vos feedbacks et vos niveaux de confort respectif, équipe/manager.
Avez-vous déjà fait remarquer à votre manager qu’il s’était loupé ? Quelque chose qui vous aurait démotivé, déresponsabilisé, inquiété, mis en cause... ?
La plupart des managers (français ?) subissent cette malédiction : le management serait un don, un trait. Votre manager l’a ou ne l’a pas. Tout le monde a un avis, mais personne ne le lui dira. Ce serait critiquer ce qu’il est. Aucune montée en compétence n’est attendue, aucune courbe d’apprentissage n’est considérée, notamment pas par ses propres managés. Loin de vous l’idée de lui apprendre son job. Elle/il a pris le poste, elle/il assume.
Mais quoi faire d’autre ? Cessez de considérer le style managérial de votre boss comme un état de fait immuable. C’est simplement faux. Regardez le management comme une compétence, votre manager comme un apprenant, à votre service. Vous devenez les utilisateurs de votre cadre managérial, il en devient l’architecte. Aidez-le à adopter le style qui vous convient, qui cultive vos motivateurs, nourrit vos sources de reconnaissance, votre sentiment de sécurité. Soyez réaliste, cela ne se produira pas sans vous.
Facile à dire ! Explicitez cette intention au sein de votre équipe, “Comment donner du feedback à notre manager ?”. Challengez vous pour créer des formats de réflexion adéquates (ou confiez ça à un facilitateur). Un exemple en 4 étapes :
Avez-vous déjà repoussé une question de votre manager ? Pas facile n’est ce pas ?
Les organisations sont presque toutes affectées par cet automatisme : “On répond toujours aux questions du chef”. Une grande partie de votre cadre managérial réside dans les questions qu’elle ou il vous pose. Le curseur allant schématiquement de “Où en es-tu sur cette tâche ?” à “Quels obstacles menacent les succès de l’équipe ?”. Questionner efficacement est une compétence exigeante, qui s’acquiert avec des efforts et de l’apprentissage. Or, votre manager n’a aucune chance de l’acquérir s’il ne peut distinguer ses succès, de ses loupés, les bonnes questions des mauvaises. Quand vous répondez à une question qui écorne votre motivation, votre engagement ou votre assurance, vous privez votre manager d’un apprentissage. Et surtout, vous dégradez vous-même votre propre atmosphère de travail, silencieusement et durablement.
Ok mais quoi faire d’autre ?
Cessez de répondre automatiquement à toutes questions. Prenez le temps du questionnement, avant le temps de la réponse. Armez-vous d’alternatives, rebondir, creuser, requestionner, intentionnaliser… Dotez-vous du cadre qui rend ces attitudes confortables pour tous.
Facile à dire !
Vous pouvez proposer cette intention à votre manager dans le cadre de votre autonomie d’équipe. De votre côté, vous pouvez challenger votre facilitateur pour vous y exercer, à l’aide d’ateliers, de jeux sérieux. Avec votre manager, bâtissez quelques conventions rendant ses attitudes confortables et attendues.
Et bien sûr, c’est un sujet de Rétrospective.
Dites-vous facilement non à des sollicitations, avec la sécurité et l’aplomb de la certitude ? Des slides pour votre manager, participer à une étude d’impact, à une recette globale, à un cadrage urgent, analyser un ticket de support, fournir des indicateurs, chiffrer un travail... La plupart des gens qui vous sollicitent pensent que leur demande fait partie de vos prérogatives, espèrent que vous aurez le temps, et n’ont qu’une vague idée de leur place dans vos priorités. Le plus souvent, ils ne cherchent pas à en avoir le cœur net. Et étonnamment, tout cela vaut souvent aussi pour votre propre manager.
Pour autant, de votre côté, dire non à ces demandes relève souvent de la gageure. Sans énumérer les causes possibles à cela, celle qui nous intéresse ici, c’est la source d’insécurité. Un non est mécaniquement générateur d’insécurité puisqu’il déclenche un stress et un effort pour la personne qui le reçoit. Et provoquer du stress n’est jamais sans conséquence. Alors le plus souvent, vous ne dites pas non, ni aux sollicitations extérieures ni à celles de votre manager, pas même aux fameuses injonctions paradoxales. L’hypothèse est que cela vous causera du tort, d’une manière ou d’une autre. Par exemple, si votre équipe ne contribue pas à tel ou tel cadrage, des lumières rouges vont s’allumer dans des comités de pilotage, avec le nom de votre équipe à côté.
- Prendre conscience qu'en tant qu'équipe, vous seuls connaissez l’impact d’un oui sur les engagements que vous avez déjà. C’est donc à vous qu’il appartient de réguler l'effort de travail supportable, de ne pas vous condamner au miracle. - Prendre conscience que votre sécurité est en grande partie entre les mains de votre manager et qu'elle fait partie de sa mission. Mais qu’il ne peut pas deviner ce qui vous attend si vous jouez la chaise vide à telle ou telle sollicitation. - Agir avec lui pour vous doter des pratiques pour réguler le travail ajouté, bâtir la sécurité du non.
La mission : appuyez-vous avec lui sur votre Mission d’équipe évoquée plus haut, pour recenser toutes les sollicitations et les activités qui n’y contribuent pas. Par exemple, sur l’agenda d’une semaine typique de votre équipe. Pour chacune, formulez qu’est ce que votre équipe y gagne, qu’est ce que votre équipe y apporte et que se passe-t-il d’indésirable si vous cessez de le faire. La communication : Identifiez avec votre manager tous les acteurs et entités qui doivent savoir que votre mission n’inclut pas leurs sollicitations. Missionnez-le pour aller porter cette bonne parole auprès d’eux, et le cas échéant déclencher des travaux pour les aider à se débrouiller sans vous. Alignez-vous avec lui pour mettre en œuvre le bon geste du non. Cela peut aller de, simplement couper le canal de communication (sortir d’une mailing-list, débrancher le téléphone rouge), à co-rédiger un discours standard de refus avec redirection vers les bonnes personnes, votre manager lui-même si nécessaire.
Et comme pour le reste, faites-en un indicateur pour vos Rétrospectives, en trackant votre volume de sollicitations extérieures, en décomptant vos succès et vos échecs à dire non en toute sécurité, et en observant les remous et les tensions qui apparaissent.
Ces 5 pistes, chères équipes, peuvent vous inspirer pour contribuer en toute conscience à votre propre management. Votre manager a cruellement besoin d’éclairage, de feedbacks, de “guidance”. Et vous, vous avez besoin d’adaptation et de personnalisation.
Un petit investissement que vous ferez pour l’amélioration continue de votre relation managés/manager peut avoir de grands effets sur l’écosystème tout entier.
Donc pourquoi ne pas tenter quelque chose lundi prochain ?