management 3.0 ? Un nouveau programme, c’est un peu la marque de fabrique d’une nouvelle direction !
Si l’intention est souvent bonne, le plan de transformation choisi ne prend pas forcément en compte la spécificité de chaque entreprise et ne s’attaque que rarement aux racines du changement. On tombe alors dans une simple course au buzz ; chacun voulant surfer la vague de la transformation digitale et plaquer des concepts au lieu de s’atteler à une réelle réflexion. Un schéma voué à l’échec. La preuve : depuis 1995, seuls 30 % des changements organisationnels réussissent.
Épuisant pour les entreprises, qui se réorganisent en permanence. Frustrant aussi, pour ceux qui ne demandent qu’à y croire...
"Changer peut être effrayant, mais ne pas changer l'est encore plus" #culturehacking #OCTOevent
— OCTO Technology (@OCTOTechnology) 12 avril 2016
“Finalement, vous n’arrêtez pas de changer, mais est-ce que cela fait une vraie différence ?” demande Alexis Nicolas. Certains participants ont remarqué davantage d’expériences, de transversalité, de droit à l’erreur, d’innovation. Mais aussi plus de colère et d’agacement des équipes. Plus de cohérence... et plus de peur.
Alors, où est réellement le problème ?
C’est bien là toute la question du Culture Hacking.
Derrière toute l’agitation ambiante, certaines choses demeurent : une division du travail prononcée, un rapport à l’autorité figé, des prises d’initiative toujours très limitées, un leadership qui peine à décoller – malgré toutes les théories sur la question, etc.
À défaut d’une transformation profonde et adaptée, les organisations en reviennent souvent à une position initiale, comme le ferait un ressort. Même si l’on a l’impression de changer, la manière de penser, de prendre des décisions, d’appréhender le lien social et même de résoudre les problèmes reste la même. “Tout le monde attend que quelqu’un décide !” remarque Marc Cherfi.
Le problème ne vient pas de la stabilité en elle-même (sauf pour une entreprise en déclin, qui ne trouverait plus les ressources nécessaires). Le phénomène traduit surtout un manque de vision globale de ce qu’est le changement : un croisement de variables qui interagissent les unes avec les autres. Tout le contraire d’un plan figé.
Une expérience Pour mieux comprendre, Alexis Nicolas invite les participants à poser la pulpe de l’index sur le genou. Le doigt est calé, à sa place défini : nous sommes alors dans la stabilité. Mais si nous commençons à caresser légèrement la surface du genou... Des sensations naissent, des informations se créer, et nous appréhendons ce même index de façon différente. Nous ouvrons un champ de possibilités que l’index statique ne pouvait pas nous laisser imaginer.
Pour ajouter à la difficulté, les identités sur lesquelles nous pourrions nous appuyer subissent une crise profonde : crise d’autorité de l’état, de la famille, de l’économie évidemment, de l’entreprise (qui peut dire qu’il a trouvé la solution aux problèmes de son entreprise ?), etc. Tout cela donne un effet chaotique et confère des propriétés nouvelles à la perturbation.
La stabilité, l’entreprise doit alors la trouver ailleurs : dans la dimension culturelle.
"La #culture est partout, elle est nécessaire pour assurer une unité" #culturehacking #change #inspiration— OCTO Technology (@OCTOTechnology) 12 avril 2016
Entre nous s’engagent des échanges passionnants sur ce qu’est ou peut apporter la culture agile-digitale (leadership, droit à l’erreur, autonomie, simplicité, etc.) Mais nous n’avons pas le langage nécessaire pour en parler. Cette situation n’est pas sans rappeler la parabole des aveugles et de l’éléphant : tout le monde devise sur le sujet, mais il n’y a pas de vision partagée.
À défaut d’un langage commun, le débat finit par tourner autour des choix triviaux... Comme mettre ou non une nouvelle bannière sur un site !
“Derrière cette frénésie (intéressante !), il y a un rendez-vous manqué” souligne Marc Cherfi.
S’il est compliqué d’échanger sur la culture, c’est parce que le concept même est abstrait, invisible. Comme l’eau pour les poissons, nous évoluons dans un environnement culturel sans en ressentir la présence. Pour le donner à voir, il faut l’agiter, créer du mouvement, en tester la résistance...
Mais qu’entend-on exactement par “dimension culturelle” dans l’entreprise ?
On ne parle pas tant de culture que de processus : ni bons, ni mauvais, mais nécessaires pour créer une unité et une stabilité. Ces processus sont les fondements même d’une identité et d’une réalité partagée.
Nos plans d’action et de changement se concentrent trop souvent sur ce qui est visible (agilité, digital). Or, les forces de stabilité se situent dans la partie immergée de l’iceberg.
Alors que nous n’abordons que rarement ces sujets (faute d’avoir le bon langage), ils représentent pourtant les gisements de changement et d’amélioration.
À cela s’ajoute une dimension émotionnelle, plus large que la cognition et qui rend la culture d’autant plus difficile à aborder.
“Il ne suffit pas de dire pour défaire la culture : il faut faire intervenir différentes dimensions qui relèvent de l’expérience globale”, souligne Marc Cherfi.
La pragmatique de la communication
Pour mieux comprendre, faisons un détour par la pragmatique de la communication. Cette dernière s'intéresse aux fondements et à l’impact de la communication (effets + réactions = interactions).
Derrière toute communication, il y a une proposition de relation qui se négocie entre deux ou plusieurs personnes, et se stabilise au fur et à mesure. La relation devient peu à peu contexte (accompagnée de processus sociaux, d’échanges…) et donne naissance à la culture, qui se propage de personnes à équipes, d’équipes à entreprise, etc.
Des relations naissent donc des contextes, qui se transfèrent au fil du temps à d’autres personnes (à travers divers mécanismes d’institutionnalisation, d’abstraction, d’acculturation et d’intériorisation). Peu à peu, une hiérarchie des contextes s’établit à différentes échelles : personnes, équipes, services, entreprises, régions, pays… Au point que les contextes agissent comme une restriction des possibilités pour les contextes inférieurs.
Le point crucial et difficile d’une acculturation est justement de faire en sorte que des options apparaissent dans les relations aux autres. Pour cela, il ne suffit pas que le manager prenne les choses en main, ni de dire pour défaire. Il s’agit de comprendre fondamentalement les mécanismes qui permettront de déconstruire ces contextes restrictifs et agir de façon à ce que chacun puisse se découvrir de nouvelles options.
C’est précisément ce que les intervenants ont proposé en faisant le pari de ne pas mettre de chaise au début petit-déjeuner : chacun pouvant se créer des possibilités de rencontres, de mouvements, de balades, etc.
Hacker c’est jouer, changer, détourner, transformer, améliorer, agir
Hacker, c’est rechercher l’élégance et la simplicité, orienter vers l’action et l’initiative pour créer un impact
Hacker, c’est chercher l’effet papillon, la viralité
Hacker, c’est perturber l’espace pour découvrir et donner à voir ce qui se joue entre les acteurs
Hacker la culture, donc le changement, c’est hacker les contextes
Hacker les contextes, c’est créer des expériences collectives nouvelles d’interactions et de communication, dont les acteurs pourront s’inspirer pour polliniser leurs espaces de travail
Pour proposer sa vision du changement et présenter les bases de son travail, la tribu Culture Hacking d’OCTO s’est constituée un début de manifeste du changement.
Principe #1 :
“On ne change pas la culture, on travaille sur les problématiques dont les racines sont dans la dimension culturelle.”
Les organisations n’ont pas un problème d’idées. Le Culture Hacking part d’ailleurs du principe que les solutions sont déjà là, à l’intérieur de chaque entreprise. La clé est dans la phase de problématisation. Quels sont les problèmes à résoudre ici et maintenant ? En quoi telle chose est un problème ? Où est le nœud ?
Mieux identifier le contexte qui permettra le changement. Avant de proposer des solutions, il faut penser le changement en questionnant le postulat de base. Cette étape fondamentale permet de comprendre les déterminants culturels sur lesquels agir.
Principe #2 :
Plus le changement est grand, plus il faut commencer petit : par soi et dans sa manière d’appréhender les autres. Au-delà de la problématisation, il est nécessaire de créer des expériences, des interactions et des perturbations sans lesquelles nous ne pouvons pas voir les forces de stabilité.
Principe #3 :
Apprendre en changeant. De la même manière que l’on apprend en marchant, tout plan de transformation doit être mouvant. Il constitue une hypothèse. Même plusieurs hypothèses, que l’on valide ou non, au fur et à mesure.
Cette approche, les intervenants l‘appliquent même dans leur travail avec les clients : “On considère que le changement commence dès le début, dès la première action menée avec l’entreprise, dès la première question. Et notre accompagnement évolue en fonction” confie Lan Levy.
Principe #4 :
Le changement commence aux frontières et se propage de proche en proche.
Durant son travail de préparation, la tribu Culture Hacking s’attache à rencontrer les personnes aux frontières des équipes. . Le but étant d’identifier les nœuds de communication qui sont dysfonctionnels pour proposer de nouveaux contextes et laisser se propager, dans le système plus large, l’apprentissage créé par ces nouveaux contextes.
Principe #5 :
Dans tous les systèmes vivants, il y a des choses qui marchent.
Chaque organisation a sa propre solution. Le problème, c’est que souvent, elle ne la voit pas ! De la même manière qu’il faut accorder du temps à la problématisation, il est nécessaire de prendre un moment pour penser à ce qui marche, à ce qui doit grandir, évoluer... Et ce n’est pas si simple !
Principe #6 :
Prendre soin des espaces de travail collectifs
On peut penser l’organisation comme un jardinier. Il doit choisir le bon terreau pour faire évoluer l’entreprise : aménager l’espace de façon cohérente et plaisante, véhiculer une intention claire, etc. C’est dans une réalité collective que se développent les forces d’acculturation.
Principe #7 :
Trouver la bonne question est plus important que de chercher une solution.
D’où l’identification précise du problème. Trouver la (bonne) question produit déjà une action. Toute la difficulté est de parvenir à se la poser ensemble…
Le petit-déjeuner se conclue sur 40 minutes de workshop durant lesquelles les participants sont invités à mener leur expérience de Culture Hacking
“Une véritable surprise sur OCTO Technology ! Je vous voyais comme une entreprise purement IT, et je découvre un côté très humain.”
“Je pars d’ici avec beaucoup d’énergie et de confiance envers l’avenir. J’ai adoré échanger sur ces sujets.”
“Pour moi, l’élément crucial est l’idée que le changement passe par le questionnement de la culture.”
“Je rêve désormais de réaménager le hall de mon entreprise en espace collaboratif dont on prendra soin !”
“Une envie de ralentir et réfléchir…”
“Je vais réfléchir à la façon de faire durer cette énergie dans le temps, pérenniser…”
“Je me demande comment faire en sorte que ces petites expériences et apprentissages s’ancrent dans le temps et se propagent globalement ? » Une autre participante la questionne : « Et si vous réfléchissiez à ce que vous faites aujourd’hui pour que ça ne s’ancre pas ?”