« Lorsque vous êtes stressé c’est la situation qui vous gère et vous êtes con. Lorsque vous êtes serein c’est vous qui gérez. » - Pierre Moorkens
De nos jours, de plus en plus d’entreprises se rendent compte, qu’en plus des Hard skills (savoir-faire, formation, expérience professionnelle, compétences acquises…), les Soft skills (savoir-être, posture, attitude, comportements spontanément adoptés, compétences sociales, motivation…) jouent un rôle important dans leur performance.
Une enquête réalisée sur les Soft skills par Monster auprès de 449 professionnels (des RH et DG), entre le 11/09/2018 et le 30/11/2018, a montré que :
Notre monde a profondément évolué ce dernier siècle (plus volatile, plus incertain…). Et il devient de plus en plus important de développer notre capacité à nous adapter dans n’importe quelle situation.
En février 2020, j’ai participé à une excellente conférence de Pierre Moorkens sur les neurosciences appliquées aux comportements humains.
Pierre nous a fait part de sa vision et de comment nous pouvons entraîner notre cerveau pour développer cette capacité.
Cet article se veut être un compte-rendu et une retranscription de la conférence de Pierre Moorkens.
A l’heure actuelle, certaines hypothèses présentées ci-après n’ont pas encore été totalement validées scientifiquement. Ces prises de positions restent celles de Pierre et de l'Institute of NeuroCognitivism (INC).
L’Approche Neurocognitive et Comportementale (ANC) est le résultat d’une démarche transdisciplinaire, qui réalise la synthèse entre les sciences de la psychologie cognitive, les sciences cliniques de thérapie comportementale et les neurosciences.
Source : ANC
C’est une démarche cognitiviste et comportementaliste, qui s’inscrit dans le courant des Thérapies Cognitives et Comportementales de « 3ème vague » nées au début des années 1980.
L’ANC aide à comprendre les mécanismes cérébraux qui gouvernent une personne. Elle permet de mesurer l’impact des mécanismes cérébraux sur nos interactions, nos prises de décision et nos comportements. Et en même temps l’ANC permet de distinguer ce que l’on peut traiter, régler, de ce que l’on peut simplement gérer, et non modifier.
Le cerveau et les réseaux neuronaux structurent notre manière d’appréhender le monde et d’agir. L’ANC a mis en évidence les mécanismes internes de ces réseaux pour permettre à la personne de devenir l’acteur de sa propre vie, de déployer ses compétences et son potentiel.
On présente souvent le cerveau avec deux hémisphères :
Il y aurait ainsi des personnalités plutôt « cerveau gauche » ou « cerveau droit », qui utiliseraient plus un côté du cerveau que l'autre.
Mais on oublie souvent de dire que le cerveau a aussi un avant et un arrière reposant sur 4 centres de gouvernance bien distincts.
Notre cerveau a deux manières de percevoir une situation (en référence aux travaux de Daniel Kahneman dans son ouvrage "Thinking Fast and Slow") :
Le mode mental “automatique” (l’arrière du cerveau) fait appel à l’intelligence acquise : ce qui est connu et qui a été maîtrisé au fil du temps. <br><br>Ce mode est lié aux centres de gouvernance émotionnelle, instinctive et grégaire. | |
Le mode mental “adaptatif” (l’avant du cerveau) fait appel à l’intelligence adaptative : ce qui est inconnu et non-maîtrisé.<br><br>Ce mode est lié au centre de gouvernance adaptative. |
Faisons quelques petits exercices pour comprendre et découvrir ces deux modes.
Indiquez, le plus rapidement possible, la couleur dans laquelle sont écrits les mots suivants (c’est-à-dire, la couleur de leur police de caractères).
Plutôt simple non ?
Même consigne que l’exercice n°1, indiquez, le plus rapidement possible, la couleur dans laquelle sont écrits les mots suivants.
Ah ! Ce n’est plus aussi simple n’est-ce pas ?! Vous avez l’impression de bugger dès le deuxième mot !
Dans l’exercice n°1, vous avez fait appel à votre mode automatique (partie arrière de votre cerveau) : c’est tout ce que vous connaissez déjà et qui vous rassure. Vous êtes en pilote automatique en quelque sorte !
Dans l’exercice n°2, le pilote automatique n’a pas été d’une grande aide et vous avez dû faire appel à votre mode adaptatif (partie avant de votre cerveau) : cela vous demande plus de concentration et vous fait consommer (beaucoup) plus d’énergie.
En se basant sur le courant béhavioriste, tout ceci serait en réalité normal car nous solliciterions notre mode automatique en premier : ce serait notre réflexe de protection et de survie que nous aurions développé depuis des millénaires afin de survivre dans des environnements hostiles. En effet, nous avons une très forte capacité à prêter attention sur ce qui ne marche pas, aux erreurs, etc.
Point d’attention : à l’heure actuelle, le concept d’instinct et son lien avec l’intelligence est encore peu connu en réalité : le courant éthologiste est née aussi en réaction contre le « béhaviorisme ».
Faisons un dernier petit exercice pour comprendre.
Sur quel numéro de place de parking est garée la voiture ?
Dans cette situation le mode automatique n’est pas d’une grande aide non plus.
Mais si on regarde les choses sous un autre angle, les problèmes sont parfois beaucoup plus simples à résoudre :
Dans cette configuration, tu as fait appel à ton mode adaptatif pour « retourner la photo » puis la réponse devient ensuite évidente : 87.
Source : Pierre Moorkens
Nous allons tout simplement générer du stress, un « signal d’alarme » indiquant que nous recrutons le mode mental inapproprié à la situation.
Ce stress provient du fait que nous mobilisons notre mode “automatique” dans des situations qui requièrent le mode “adaptatif”. Et comme nous ne trouvons aucune solution immédiate, nous nous mettons à paniquer, et donc à stresser !
Ce stress va engendrer 3 grandes familles d’émotions :
Source : Pierre Moorkens
Ces 3 familles d’émotions nous empêchent la bascule préfrontale (mode mental adaptatif) et donc l’utilisation de la dernière famille d'émotions (selon l’ANC), le PLAISIR : on se sent serein et en pleine possession de tous ses moyens.
Exemple de situation : “Nous sommes en réunion. Jean-Bernard commence à couper les cheveux en 4 sur chaque sujet ! | ||
ÉMOTIONS | PENSÉES - RACINE DES ÉMOTIONS | COMPORTEMENTS |
Cela me rend irritable et furieux<br><br>LUTTE | Comme si on n’avait rien d’autre à faire !<br><br>LUTTE (impatience) | Je fais des remarques désagréables, je me fâche<br><br>LUTTE |
Cela me désole, me décourage<br><br>INHIBITION | Pffffff encore lui !!! <br><br>INHIBITION (inefficacité) | Je jette l’éponge et me recroqueville sur moi-même<br><br>INHIBITION |
Cela m’intéresse, me questionne<br><br>CALME | Je vais prendre le temps d’écouter<br><br>CALME, CURIOSITÉ | Je pose des questions pour approfondir<br><br>CALME |
Cela me rend anxieux<br><br>FUITE | Aïe, aïe, aïe, on n’aura jamais fini dans les temps !<br><br>FUITE (irrespect) | Je n’arrive plus à réfléchir, je suis agité<br><br>FUITE |
Lorsque nous prenons conscience de ce stress et que nous apprenons à l’accepter et l’apprivoiser, nous prenons en compte le signal d’alarme et reprenons ainsi le contrôle de la gestion (et l’utilisation) des 2 modes mentaux.
« Faisons du STRESS un ALLIÉ en cherchant à comprendre son origine automatique pour la déconstruire. » - Pierre Moorkens
Les causes de stress et la stressabilité proviennent de nos aversions, valeurs exacerbées, anti-valeurs, croyances, etc. :
VALEURS | AVERSIONS |
Respect | Irrespect |
Intelligence | Bêtise |
Efficacité | Inefficacité |
Honnêteté | Mensonge |
Justice | Injustice |
Perfectionnisme | Imperfection |
Réussite | Échec |
Rapidité | Lenteur |
Générosité | Égoïsme |
Responsabilité | Irresponsabilité |
Souplesse | Rigidité |
Ordre | Désordre |
Humilité | Prétention |
Professionnalisme | Amateurisme |
… | … |
Commençons tout d’abord par différencier deux choses (exemple de la bouteille d’eau) :
Le CONTENANT : savoir-être<br><br>→ État d’esprit, attitude, MÉTA COMPÉTENCE qui facilite ou gêne : l’apprentissage, la communication, la créativité, etc. | |
Le CONTENU : savoir et savoir-faire <br><br>→ Connaissances, COMPÉTENCES, etc. |
Nous pouvons visualiser le cerveau comme la bouteille en plastique recyclable (il faut protéger l’environnement quand même !), l’intelligence automatique comme l’eau dans la bouteille et l’intelligence adaptative comment l’espace libre entre l’eau et le bouchon de la bouteille.
Lorsque vous êtes en état de stress, il faut imaginer que la bouteille se contracte. Plus le stress est fort, plus la contraction est forte.
Dans cette situation de stress, votre intelligence adaptative a été (très) fortement réduite : limitant ainsi votre capacité à analyser et surmonter la situation.
Or, c’est l’intelligence adaptative qui va vous permettre d’affronter sereinement (avec calme, apaisement et raison gardée) les situations complexes, volatiles, incertaines… et d’enrichir ensuite votre intelligence automatique (nouvelles connaissances, compétences…).
Source : Pierre Moorkens
Bonne nouvelle, l’intelligence adaptative, c’est comme un muscle, elle se travaille et s’entraîne !
L’ANC a d’ailleurs développé un parcours d’apprentissage spécifique (disponible sur leur site). Cette approche est totalement compatible et complémentaires avec bien d’autres méthodes (Process Com, Énnéagramme, etc.).
Vous trouverez ci-dessous quelques exemples d’entraînement.
Lorsque vous faites face à une situation qui vous génère du stress :
A titre d’exemple (plutôt simple) :
Cet exercice est incroyablement efficace quand nous souhaitons déconstruire et reconstruire nos perceptions et notre façon de voir le monde par rapport aux valeurs profondes qui nous animent.
Choisissez une valeur qui vous est propre et suivez le processus suivant (en vous focalisant sur votre point de vue uniquement) :
Si je prends l’exemple de l’efficacité, je devrai :
En faisant cet exercice, vous remarquerez que les points :
Quand vous aurez fait cet exercice, vous regarder les situations sous un autre angle et cela vous permettra de rester maître de vous-même (limiter l’impact du stress sur votre raisonnement) et trouver des opportunités dans des situations qui vous paraissaient sans issues.
Votre cerveau fonctionne selon deux modes qui s’activent dans des contextes différents :
C’est votre intelligence adaptative qui vous permettra d’affronter les situations complexes. Cette intelligence se travaille comme un muscle : elle nécessite une prise de recul et une connexion profonde sur vous-même pour vous permettre de remettre en question vos certitudes et votre façon d’appréhender le monde qui vous entoure.
Dès lors que vous arriver à surmonter une situation difficile / complexe avec votre intelligence adaptative, vous engranger de l’expérience et nourrissez / enrichissez ensuite votre intelligence automatique (nouvelles connaissances, compétences…) : c’est un cercle vertueux.
J’espère que cet article vous aura apporté un autre éclairage sur le fonctionnement de notre cerveau et que cela vous donnera envie de creuser le sujet :-)
Avant de vous quitter, j’ai envie de vous poser une dernière question. Maintenant que vous avez lu l’article, comment réagirez-vous face à votre enfant dans cette situation ?
Tout d’abord, je suis sûr que vous l’avez félicité d’avoir trouvé 3 bonnes réponses sur 4 ! Et ensuite, en continuant de perfectionner ses connaissances sur les additions, il fera encore mieux la prochaine fois ;-)
Quelques ouvrages recommandés par Pierre Moorkens :