la carte de couverture du réseau mobile en France de l'ARCEP).
La conception d’applications “offline first”, capables de fonctionner au maximum sans accès à internet, est donc déjà - et sera encore plus à l’avenir - un enjeu important pour l’accessibilité et la résilience de nos services numériques. Une telle application, indépendante d'un accès à internet, peut fonctionner dans toutes sortes de conditions - des zones reculées, des lieux touchés par des catastrophes naturelles où les infrastructures réseaux ont été endommagées, etc. - et ainsi fournir un accès bien plus fiable à un service numérique.
Pour y parvenir, nous disposons déjà de tout un panel d’outils pour optimiser le fonctionnement hors connexion de nos applications : gestion du cache, progressive web apps, base de données frontend, adaptation de l’UI… Les principales limites se trouvent en fait dans nos habitudes de conception, de développement et d'usage ! Cela nous rassure de rester dans le paradigme du "tout le temps connecté" auquel nous sommes habitués ; il nous faut être créatif et sortir un peu de notre zone de confort !
Pour aller plus loin sur le sujet des applications offline first, vous pouvez commencer par lire les quelques articles ci-dessous, ou encore vous intéresser à des applications qui utilisent bien certains de ces principes, comme Newpipe sur Android - un lecteur YouTube open source, sans pub, sans compte, capable de télécharger du contenu pour le consommer hors connexion.
Article pour en savoir plus sur le développement d'applications "offline first" :
"A Design Guide for Building Offline First Applications", Gautam BT, Hasura, 2020
"Offline app architecture: Why you should build offline-first apps", TechAhead Team, 2020
Nos infrastructures réseaux représentent aussi un enjeu majeur pour la résilience du numérique. Nos réseaux actuels sont, certes, performants mais également très peu flexibles. Ils nécessitent d'importants travaux pour être agrandis ou réduits, et certaines topologies très hiérarchiques ont des points sensibles dont dépendent tout le reste du réseau, ce qui les rend très peu capables de résister à des chocs ou des perturbations. En plus de construire des applications plus résilientes à des coupures ou des absences de réseaux, nous pouvons aussi envisager de construire des réseaux qui seraient eux-même plus résilients.
Pour y parvenir, plusieurs architectures semblent particulièrement prometteuses et font actuellement l'objet de nombreuses études et expérimentations, comme les réseaux hybrides à connectivité intermittente (RHCI). Ces réseaux pair à pair peuvent être composés d'infrastructures fixes et d'objets mobiles, utiliser différentes méthodes de communication (filaires, Wi-Fi, Bluetooth…) et employer des protocoles informatiques particuliers afin de supporter des ruptures de connectivité et des partitionnements du réseau.
Si le sujet vous intéresse, et que vous aimez vous plonger dans la technique, la thèse Systèmes pair-à-pair pour l'informatique opportuniste d'Armel Esnault, publiée en 2017, est un très bon point de départ.
Par ailleurs, si l'on prend le temps de regarder au-delà de nos sociétés occidentales très numérisées, on trouve dans de nombreux pays en voie de développement des initiatives très ingénieuses pour amener un accès à internet dans des zones reculées, et en utilisant très peu de ressources. L'un des projets les plus connus et aboutis est le "Daknet" (à ne pas confondre avec le darknet), notamment déployé dans certaines régions d'Inde, qui offre un accès différé à internet via un réseau de points d'accès fixes et mobiles qui servent de tampons aux données jusqu'à ce que le point d'accès mobile arrive à portée d'une connexion internet. Ce système permet de connecter des millions de personnes à très bas coût. Malheureusement, la plupart des applications ne sont pas conçues pour fonctionner dans ce type de configuration… d'où la nécessité de revoir aussi notre façon de concevoir et développer nos logiciels. À l'heure actuelle, dans les pays occidentaux, ce genre de réseaux n'a pas vraiment de raison d'être déployé puisque les infrastructures déjà en place fonctionnent très bien. Mais en cas de destruction de parties du réseau, lors de catastrophes ou de ruptures d'approvisionnement, il pourrait être pertinent de chercher à déployer des solutions comme le Daknet, ou autres architectures plus résilientes et facilement déployables.
Les perturbations actuelles et futures liées à la catastrophe écologique et sociale nous imposent de revoir notre rapport à la technologie et de sortir du paradigme de la surabondance du numérique. Dès maintenant, commençons à construire des services numériques plus sobres, plus résilients, qui vont à l'essentiel et ont un impact positif sur le vivant ! Une première étape est d'imaginer et de développer des façons moins instantanées et moins permanentes d'utiliser le numérique afin d'amoindrir ses effets négatifs. Cet article donne quelques pistes concrètes pour aller dans ce sens, mais la démarche implique de prendre du recul et repenser notre besoin et la place que doit - et peut - occuper le numérique dans nos vies. Dans beaucoup de cas, faire du "numérique responsable" nécessite de changer de business model, voire de réorienter totalement certaines activités… Pour cela, pas de recette miracle ! Il nous faut impliquer tous les acteur.ices pour expérimenter et innover dans la sobriété !
Empreinte environnementale du numérique mondial, GreenIT.fr, Frédéric Bordage, 2019, consulté le 15/06/22
Ruée minière au XXIè siècle : jusqu'où les limites seront-elles repoussées ? - Aurore Stephant à USI, conférence d'Aurore Stephant, 2022, consulté le 12/07/22
FAQ Numérique & Environnement, Syntec numérique, sur le site numeum.fr, https://numeum.fr/sites/default/files/2021_FAQ_Numerique_et_Environnement.pdf, consulté le 29/06/22
Systèmes pair-à-pair pour l'informatique opportuniste, Armel Esnault, site tel.archives-ouvertes.fr, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01527616/document, consulté le 29/06/22
Push Notifications Statistics (2022), sur le site Business of apps (auteur non indiqué), https://www.businessofapps.com/marketplace/push-notifications/research/push-notifications-statistics/, consulté le 17/06/22
Energy Efficient Scheduling for Mobile Push Notifications, Utku Günay Acer, Afra Mashhadi, Claudio Forlivesi, Fahim Kawsar, sur le site researchgate.net, https://www.researchgate.net/publication/299931683_Energy_Efficient_Scheduling_for_Mobile_Push_Notifications/fulltext/5cc34e4092851c8d22078b41/Energy-Efficient-Scheduling-for-Mobile-Push-Notifications.pdf?origin=publication_detail, consulté le 17/06/22
An Analysis of the Effects of Smartphone Push Notifications on Task Performance with regard to Smartphone Overuse Using ERP, Seul-Kee Kim, So-Yeong Kim, and Hang-Bong Kang sur le site National Library of Medicine, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4912993/, consulté le 17/06/22
Smartphone Addiction Creates Imbalance in Brain, Radiological Society of North America (RSNA) sur le site prnewswire.com, https://www.prnewswire.com/news-releases/smartphone-addiction-creates-imbalance-in-brain-300558945.html, consulté le 17/06/22
Supernormal Stimuli in the Media, Deirdre Barrett, Harvard Medical School, https://www.researchgate.net/publication/263926111_Supernormal_Stimuli_in_the_Media, consulté le 18/11/22
Clément Isaia, Guillaume Baptiste, Alexis Nicolas, Théo Gautier, Ludwig Chieng, Adrian Staron et Nicolas Bordier pour leurs précieux conseils.